mercredi 25 juin 2008

Le coup du lapin !

En ce moment, l’actualité musicale est très calme… Alors parlons un peu de l’actualité en général : dans quelques heures ce sont les soldes qui commencent !


Si j’avais un jour rencontré un psy sur qui faire un bon transfert, je lui aurais à peu près tenu ce langage :

« Ca revient docteur ! Je le sens… Ca commence à revenir… C’est deux fois par an docteur… Toujours à la même époque depuis quelques années… C’est la même angoisse, la même boule, la même chose … là au fond de la gorge, les mêmes papillons dans l’estomac… Chaque fois c’est pareil… Ca me fait perdre tous mes moyens… Je ne contrôle plus du tout mon comportement dans ces moments là… Toujours aux mêmes époques… C’est en janvier et en juin… Toujours… Et là, je sais que c’est revenu… J’en retrouve des traces partout… Je vous jure docteur ! Jusque dans ma boite aux lettres…»
« Hum……. Hum……….. »
« Que je vous en dise plus ? Bien sûr docteur ! Ca remonte à l’enfance tout ça… Si… Oui… C’est ça l’enfance… Vous voyez, docteur, à l’époque j’étais encore très jeune… Je… Je me souviens très bien docteur, j’avais encore des couettes quand la chose est venue pour la première fois… Depuis… C’est comme si elle n’était jamais partie… C’est comme si elle se sentait bien chez moi et qu’elle voulait plus en repartir… »
« Hum…… Hum…….. »
« Oui docteur, je sais… Je dois être plus précise… Je… J’essaie de bien me souvenir voyez vous ? On était tous réunis… Oui… Oui c’est ça, on était tous là… On ? C’est ma famille… Vous voyez docteur ? Le noyau dur… Mes cousins les plus proches… On était tous comme des frères et sœurs à cette époque… On avait un vrai sentiment d’appartenir à une grande famille très unie… Mais vous voyez docteur, chez moi ce sentiment n’est pas resté trop longtemps… C’est que… C’est que la chose est venue… On était donc tous là, réunis pour Pâques… C’est ma maman qui aimait beaucoup Pâques… Elle me racontait toujours des histoires avec le lapin… J’avais mes couettes, une paire de baskets toutes neuves et ma salopette préférée ce jour là… On était chez mon papy… Vous savez chez mon papy, y’avait rien… Alors on aimait bien… On faisait toutes les bêtises qu’on voulait… Et ce jour là c’était Pâques… Alors les oncles et les tantes avaient caché plein d’œufs de toute sorte… Et moi j’avais encore mes couettes et ma salopette, alors vous voyez docteur, le lapin moi j’y croyais encore totalement… Et souvent c’est ma maman et ma tante qui annonçaient que le lapin avait déposé les œufs… On se jetait tous sur le premier panier venu… Enfin moi, il y avait déjà plusieurs heures que j’avais choisi le mien… Le plus gros… Et le moment venu, je faisais comme si c’était par hasard que je prenais celui là… C’était devenu MON panier depuis la première fois que je l’avais vu… Quand tous nous avions un panier dans la main, nous courrions dans le champ de mon papy… C’était un peu du chacun pour soi quand on cherchait les œufs du lapin… Mes cousins s’éparpillaient de partout… De loin on pouvait voir ces sept gamins courir dans tous les sens… Moi je ne courrais jamais… Je ne voulais pas écraser un œuf parce que je n’aurais pas fait attention à l’endroit où je posais mes pieds… Ca pouvait prendre une heure, deux heures… Y’avait toujours du soleil… C’était rigolo… Mais même si j’avais choisi le panier le plus gros, il débordait toujours… Je trouvais toujours plus d’œufs que mon panier n’en pouvait contenir… Alors là je courrais… Je déposais aux pieds des adultes mes trouvailles et je repartais en chasse… Je n’avais plus que mes p’tits bras potelés de gamine à couettes pour les tenir… Chaque fois que je ramassais un œuf, je prenais mille précautions pour ne pas faire tomber dans l’herbe haute tous ceux que contenaient déjà mes bras… Et quand je ne pouvais vraiment plus porter le moindre œuf supplémentaire, je retournais auprès des adultes… Souvent, mes cousins étaient déjà tous là… 7 petits paniers à leurs pieds, remplis chacun de quelques œufs… Et il y avait moi… Avec mon gros panier et tous ces œufs en chocolat qui commençaient à fondre dans la chaleur de mes mains… Mes cousins avaient des traces de chocolat autour de la bouche qui trahissaient l’impatience de leur gourmandise… Je n’avais pas pris le temps de savourer mes trouvailles… Je les avais trouvées, précautionneusement rangées et je prenais déjà un grand plaisir à imaginer la joie que j’aurais lorsque, rentrée chez moi, je pourrais les déguster et m’en empiffrer joyeusement… Les paniers à peine remplis d’œufs, mes cousins les déposaient sur le bord de la rivière et repartaient jouer… Moi je prenais le temps de les compter, de les ranger, par couleur, par parfum, par taille… Je les arrangeais du plus beau possible… Puis je regardais ma maman et lui disais en même temps que je courrais rejoindre les jeux de mes cousins : « prends en soin môman steuplééé »… J’avais confiance… C’était mes œufs, je les avais tenus dans mes bras, je les avais ramenés et rangés… Je les aimais et ils étaient miens maintenant… Et jusqu’à la nuit tombante, nous jouions… Insouciants… Et puis les parents nous rappelaient… Il faut rentrer, reprendre la route, dire au revoir au papy, il y a école demain… Alors on revenait vers la maison… On se lavait les mains et on montait chacun dans sa voiture… Et puis c’est à ce moment que la chose est venue… C’est la première fois que je l’ai sentie aussi forte… Prise d’inquiétude, je ressors de la voiture et regarde effrayée ma maman… Je ne vois plus les œufs, je ne vois plus les paniers… Me prenant par la main, ma maman ouvre le coffre de notre voiture… Elle me dit que les œufs sont dedans… Je regarde… Je ne vois rien… A part ce tout petit sachet plastique perdu au milieu des feuilles de rhubarbe, des fraises du jardin, des morceaux de vieux meubles, de la vieille vaisselle, des émaux de Longwy… Mais TOUS mes œufs ne peuvent tenir dans un si petit sachet… Ce n’est pas possible… On a du piquer mes œufs ou ma maman s’est trompée de coffre et il se peut qu’une voiture en ce moment roule vers sa maison emportant MES œufs ! J’ai les larmes qui me piquent les yeux, je cherche ma maman qui déjà m’attend derrière son volant… Elle voudrait que je me dépêche… Je l’interpelle d’une voix tremblante… Lui dis que je ne vois pas les œufs… Agacée, elle revient vers moi… Elle me montre d’un doigt ferme le ridicule sachet : « mais ils sont là les œufs ! »… C’est impossible ! Non… Je ne pouvais y croire… Je le hurle à ma maman… Tape des pieds, pleure, crie, gesticule… Ma mère me fait monter dans la voiture et sur le chemin m’explique… Pendant que nous jouions, après la chasse aux œufs, après la venue du lapin, tous les adultes avaient rassemblés les œufs… Ils… Ils… Ils les avaient tout mélangés ! Vous vous rendez compte docteur ? Mélangés mes œufs aux autres… Et puis ils avaient répartis les œufs selon le nombre d’enfant… Ils voulaient être équitables m’expliquait à ce moment là ma maman… Mais équitables pour qui ? Ils étaient trois, ils étaient quatre… Et moi j’étais seule… Comment aurais-je pu avoir autant d’œufs qu’eux ? Et puis c’était moi qui toujours trouvais le plus gros, le plus beau, le meilleur… Mais le plus gros c’était pour les quatre cousins, les moyens étaient pour les trois cousins… Moi j’avais les tout petits, moi j’étais seule… C’est à ce moment là que la chose s’est installée en moi… Vous savez docteur ? Ce sentiment que l’on vous a dépouillé… Que c’est vous qui avez fourni le plus d’effort mais tout le monde reçoit la même récompense… La chose a un gout d’injustice et de spoliation docteur !...
« Hum…………. Hum…………. »
« Oui docteur… La chose revient en ce moment… Comme deux fois par an… Elle est à nouveau là… Au fond de moi… Vous voyez docteur ? Dans deux semaines ce sont les soldes… Et… Je… Je… Heu… Je vais encore me ruer dans les magasins, choisissant les plus beaux vêtements, les plus chouettes chaussures… Et je vais arriver les bras chargés de tous ces trésors à la caisse… Je vais déposer tous ces vêtements… C’est comme quand j’avais des couettes et une salopette… Je déposais tous mes œufs aux pieds de ma maman… Comme s’ils devaient passer à sa caisse… Et là, mes vêtements placés sous le regard de la caissière, j’entendrais la petite voix dans ma tête qui me répétera les mots de ma maman après le lapin et la chasse aux œufs… Tu n’as pas besoin de tout ça… Tu es toute seule… Laisse aux autres… Partage… Et je devrais me séparer d’une dizaine de t-shirts, d’une dizaine de pantalons, de quelques paires de chaussures… Les remettre en rayon pour qu’une autre les possède… Mais les aimera-t-elle autant que moi ? C’est comme pour les œufs, docteur… Je mets un soin énorme à les choisir, je m’y attache, les fais miens et je dois ensuite les laisser à d’autres… C’est pas juste docteur ! Et la chose est là, pour les soldes de juin, pour les soldes de janvier… Parfois elle revient aussi lors de certaines offres promotionnelles anecdotiques… La chose est revenue il y a quelques jours docteur… J’ai trouvé dans ma boite aux lettres la première pub pour les soldes…
« Hum…………. Hum………… »
« Oui vous avez raison docteur… Je vais plutôt rester chez moi dans les jours à venir… Par contre docteur… Vous croyez qu’à la place des œufs, l’année prochaine je pourrais demander au lapin de m’apporter une carte bleue ? Ou au moins des cartes de fidélité de chez Zara, Mexx, H&M, Promod, Naf-Naf, Kookaï, Minelli… ? »
« Hum………….. Hum……………… »
« Merci docteur »
« Ca fera 50 euros… 45 si vous avez la carte de fidélité… »

Aucun commentaire: